« Personne » p.317

C’est si compliqué, la vie. Il y a des avions qui volent et au bout de leur trace blanche dans le ciel, des gens en train de manger du plastic ne savent même pas qu’on les observe en rêvant de leur destination. Il y a des bouchons sur les autoroutes alors qu’aucun accident ne les justifie et tous les conducteurs écoutent ce même air désaccordé leur hurlant dessus alors qu’ils rôtissent chacun dans sa voiture. Il y a des taux d’intérêt qui chutent, des immeubles qui poussent comme des champignons, des dealers millionnaires pendant que cette charmante vendeuse range des yaourts à la fraise huit heures par jour aux rayons 21 à 33 du supermarché. Il y a ces sirènes d’ambulance qui grossissent, grossissent, puis finissent par s’éloigner alors que cette femme se sert une autre vodka parce qu’une fois de plus son mari est en voyage d’affaire. Il y a ce peintre raté qui gagne sa vie en faisant des hot-dogs et alors qu’il se fait virer un jour parce qu’il s’est planté de sauce son patron goûtant le résultat invente le big mac. Il y a des palais pour une seule personne en Roumanie et des HLM s’entassant les uns sur les autres à Paris. Il y a des gens qui se flinguent dans des villas qui coûtent des millions et des gens heureux dans la villa modèle C-25 reproduite cent fois, avec ses parois en carton. Il y a la télé sans mémoire qui crache des images et le désastre d’après engloutit celui d’avant comme si l’univers entier renaissait à chaque minute tandis que la voisine en-dessous hurle au viol. C’est vraiment compliqué tout ça, beaucoup trop compliqué, un monde en forme d’anaphores aberrantes qu’il est devenu vain d’expliquer. Le laisser se répéter. Me contenter de programmer.

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