Des fruits défendus

Zoé aime manger des fruits en hiver. Zoé aime leurs sucs. Elle mord à pleines dents et plus que d’en goûter la saveur elle goûte cette sensation de filets de jus coulant sur ses mains, le long de ses bras, autour de sa bouche, descendant son cou, s’étalant plus bas. Quel délice, lorsqu’une orange qu’elle presse sur son visage parvient encore à mourir d’une goutte innattendue sur la pointe d’un sein !
Zoé mange des fruits nue.
De préférence, au coeur de la nuit, parce que le coeur de la nuit, c’est un peu comme le coeur d’un fruit. Elle aimerait presser ses nuits à en faire jaillir un sang d’encre, une essence saumâtre, une boue nocturne qui, oh oui s’il vous plaît !, irait s’écouler sur les corps gras des Endormis les bienheureux.
Zoé s’autorise des mâles parfois, qu’elle va cueillir dans les lieux de perdition, où ils poussent en abondance, les errants de l’existence, les vagabonds de l’âme dont la liberté n’a d’égale que l’ivresse. Ils rentrent chez elle les yeux brillants, la salive aux commissures. Ils en sortent pressés jusqu’à la moëlle, par le siphon de sa baignoire.
L’été, Zoé mange des fruits secs. De la route, elle observe au loin sur la plage ces corps huileux qui s’étalent comme un rôti de porc à l’orange mijotant jusqu’en novembre.

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