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Nour ferma Firefox avant de se retourner vers Barry. Ce dernier préparait sa valise pour partir à New York. La magnificence superficielle de son sourire ne pouvait plus supporter la misère angolaise et il avait décidé d’abandonner la logistique pour aller s’essayer encore une fois à la carrière d’acteur. Depuis quelques jours, depuis qu’il avait du assister Nour dans l’opération de découpage à la scie d’une jambe pourrie par la gangrène, son sourire avait jauni. Bien que de faire l’amour de temps en temps avait été un moyen efficace de se relaxer, Nour ne se souciait pas trop de ce départ. Elle s’y préparait depuis longtemps. Lâcher un type fou de mode masculine et maniaque du rangement au milieu de la cambrousse tenait plus du canular administratif.
Nour se reversa une tasse rase de café. Il était 6 heures trente du matin et déjà une quinzaine de mouches voltigeaient sous le ventilateur balayant lentement les 33°C et la poussière. Une anxiété poisseuse lui collait à la peau. Sur Internet, elle venait d’apprendre le suicide de David.
Voilà des mois qu’elle attendait cette nouvelle. Inutile de le nier, elle en avait rêvé toutes les nuits depuis leur séparation au milieu du Sahara. Elle s’y était préparée autant qu’au départ de Barry. Elle revit David s’éloigner dans l’horizon suffoquant des dunes, prendre la direction du Nord alors qu’elle avait opté pour le Sud. Sans autre explication sur cette phrase mystérieuse qu’il lui avait jetée la nuit précédant leur séparation, d’ailleurs il n’avait plus rien dit et c’est muet qu’il l’avait abandonnée au milieu de l’océan de sable. Désincarné, voilà la dernière impression que David lui avait laissée. Il s’en était donc sorti tout comme elle, mais cela pas un seul instant elle n’en avait douté. Tout comme sa dernière parole qui l’avait insidieusement préparée à l’évènement qu’elle venait d’apprendre. Depuis leur séparation, Nour avait toujours su que cela allait arriver. Pourtant, il lui avait demandé de tenir une promesse, et involontairement elle tenait cette promesse. Nour n’arrivait pas à croire à ce suicide. Cette mort était comme une mise en scène préparée de longue date. Les débris calcinés du corps de David avaient été formellement identifiés.
Nour toussota pour libérer le poids sur sa poitrine. Elle savait que David était mort mais en même temps elle était convaincue du contraire. Déchirée par cette conviction qu’elle attribuait au désir candide de ne pas y croire, elle eut la surprenante envie de pleurer. Mais Barry lui offrit son plus élastique sourire.
“Ne sois pas triste. On se reverra peut-être à New York hein ?”
Quel con.

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