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Mais un élément autrement plus important m’était présenté sur cette page d’accueil, surtout pour moi qui à l’intérieur étais confrontée au non-sens de tous ces uniformes de couleurs. La hiérarchie des couleurs. Au sommet de la pyramide, 11 Ultra-Violets, à la base des milliers d’infrarouges tout comme moi et entre deux 6 couleurs. Je me suis souvenue de cet étrange personnage vêtu d’une sorte de tunique violette venu avec ses sbires me soutirer à mon existence d’oisiveté permanente, replacé dans ce nouveau contexte ce type devenait un haut personnage, un dieu descendu de son Olympe juste pour moi. Je n’ai pas compris. Les Violets ne pouvaient pas intervenir ainsi pour l’entrée de chaque infrarouge, ils étaient bien trop peu nombreux comparés à la masse grouillantes des nouveaux arrivants, alors pourquoi ce Violet-là avait-il décidé de venir me chercher personnellement ?
Face à mon curseur palpitant dans le champ du formulaire d’entrée au site, devant mon nom d’utilisateur, cette question est restée en suspens. J’ai remonté le temps jusqu’à l’arrivée de ces deux types en uniformes dans mon grenier, puis la rencontre avec Luc lors de cette fête glauque, et puis tous ces mois avant à tourner en rond dans les rues de cette ville, Lausanne, à me plonger des heures durant dans l’observation intense des pigeons se draguant, mes nuits d’ivresse éparpillées d’un homme à l’autre alors que je voyais leurs braguettes gonfler et leur cervelle rétrécir, et les mails affolés de ma mère insistant depuis Paris pour que je rentre « à la maison », pour que j’oublie ma rupture, pour que…
La destruction totale et pourtant sublimement inconsciente m’ayant ravagé ces dernières années.
Un espoir délirant m’a étouffée d’angoisse.
Ma mère allait agir, elle allait contacter ma concierge, qui viendrait frapper à la porte de ma chambre de bonne, puis ma mère contacterait la police locale qui vendrait faire un tour de routine, et puis ils défonceraient ma porte et… Non. Inutile de me leurrer, dans la situation où j’avais été, sauf à cause de l’odeur de pourriture de mon corps dans le grenier, personne ne penserait à me chercher, à un enlèvement. Là -haut je deviendrai une disparue, ou pire, juste une petite fugueuse qui fait chier son monde et qui a bien fait de se volatiliser.
Etions-nous tous ici bas des disparus, des fantômes, des errants de l’enfer ?

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