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Ayant lu trop vite j’ai d’abord cru qu’il me surnommait « ma puce » par condescendance. Ma puce en mode libre ?

Message express / (Expire après 24h) à alister-O-SXY 12702
Hello Alister,
Tu dois très bien savoir que je n’ai strictement aucune idée de quoi tu parles et j’imagine, dans ma grande paranoïa, que tu cherches uniquement à m’embarquer dans un délire perso histoire de t’amuser avec ma chaste innocence.
Sache que je n’apprécie pas les démonstrations de machisme.
Tu peux donc te garder ta petite puce dans ton slip.
Byebye.

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Message envoyé à alister.
[Suite]

Bon il me fallait réécrire ma fiche car malgré sa politesse la menace de cette bleue, netopia, avait été très explicite, et puis cela me permettrait de penser à autre chose que cette putain de nuit d’automne.
J’ai regardé le curseur palpiter. Vraiment, il n’y avait aucun son ici. J’aurais très bien pu me trouver DANS l’écran de l’ordinateur ; quelques ondées de lumière irisent les pixels de micro-couleurs pendant que je flotte au dessus des rainures de cristaux liquides s’orientant comme des algues aux passages des flux électriques.
J’ai hésité à effacer ce que j’avais déjà écrit sur ma fiche mais en allant à la pêche aux autres fiches par le scanner je me suis rendue compte qu’ils les utilisaient aussi comme une actualité personnelle, un réceptacle d’émotions et de faits déposés parce que cet empilement finissait par restituer assez fidèlement chaque personnalité. Peut-être n’était-ce aussi qu’un effet de mode, comme les blogs. Ou le reflet de la fierté de chacun, refusant d’effacer son histoire personnelle grandissant sous leurs yeux satisfaits de continuer à vivre et à pondre.
« J’ai tué une deuxième fois mon ex après son suicide en l’enterrant sous les pétunias.
Ensuite je croyais pouvoir aller au boulot en poursuivant mes habitudes. Etonnants visages dans le métro tirant toujours la même gueule alors que le soir d’avant j’avais creusé une tombe dans notre petit jardin. Ce fut rassurant pendant un moment parce que j’avais l’impression qu’ils tiraient la gueule pour une raison précise cette fois : parce qu’il s’était tiré une balle dans la tête.
Mais mon poste de responsable des ressources humaines au sein du groupe financier Lombard a pris un coup de vieux la première fois que j’ai vu du sang bouillonner en tirant la chasse dans les toilettes des cadres supérieurs, un sang épais à la place de l’eau avalé par la cuvette avec un gargouillement de satisfaction. C’était deux semaines environ après son suicide.
Alors vous voyez, vous ne me faites pas peur.
Ah oui j’oubliais, je remercie l’Ordinateur qui dans sa grande bonté me permet d’être enfermée dans une cellule à des kilomètres sous terre, devant un écran géant dont je ne comprends pas la moitié du contenu. »

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