Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : Y. | Expected attitude of states in war

D’avant en arrière, d’avant en arrière, elle tangue au bord de l’Arve, et la circulation de bourdonner, piétonne et polluante mais cotonneuse, alors qu’elle tangue réchauffée par le soleil que les cîmes libèrent. Elle a le réflexe de la mèche derrière l’oreille, de plus près se mordille la lèvre, et elle tangue sans se voir tanguer comme si le courant de l’Arve la portait plus loin vers le fleuve, vers le Jura, la Franche-Comté, les villages baillant le long du Rhône et Lyon klaxonnant sous son nuage de poussières, et sans doute flotte-t-elle plus loin le long des falaises que le fleuve a creusé, mais elle ne tangue plus, s’ébroue et n’arrive pas plus loin, là -bas vers ce soleil riant qui lisse la mer. Maintenant elle a abandonné la rivière et traverse le passage piétons sous une huée d’insultes si matinales et des crissements de freins aigre-doux. Elle a prit une grande décision. Elle va lui dire qu’elle le quitte. Elle va leur dire qu’elle démissionne. Ou elle va simplement prendre une grande inspiration et se remettre à obéir au courant de la rivière qui la fait doucement tanguer. En sautillant loin de mon sentier de guerre elle a l’âme qui danse avec les hirondelles, tandis que son sourire en coin s’en va, perdu à jamais comme un amour de vacances. Elle a été un préau désert le dernier jour d’école, une destination clignotant sur le billboard d’un aréoport, elle m’a permis le temps de quelques secondes de claquer la porte des journées et de courir merveilleusement inutile dans une forêt. Près d’une église au sommet de la colline, sous un orage d’été la nuit et la pluie élastique qui adoucit la peau, elle m’a enlacé et bousculé, marchandant mon âme avec le vent, elle m’a lancé en l’air vide et léger, en état de grâce, et je suis redescendu doucement sur le pont, tanguant comme elle près de l’Arve passagère. J’ai lentement, hésitant, repris le sentier d’asphalte autour du cou, reconstruisant sur mon visage cette attitude attendue de l’être en état de guerre assiégé par l’ennemi.

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