Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : Julien

Aranyo se marrait au téléphone avec une amie qu’elle a connu récemment. Le brouillard poisseux du temps affermit sa pression sur mes épaules. Cette musique divaguante qu’on entend dans le fond est la copie en cours de ma mémoire sur un support plus mou, sur de l’oubli, flasque dans le brouillard. Des pas spongieux empêtrés dans les algues. Et cette voix chatoyante, élèctrique, de l’amie à l’autre bout du fil, fait surgir une ombre. Non qu’elle soit menaçante, mais si lointaine que je sens des vers de terre me glisser entre les orteils. Pourtant il a surgit de la brume mains dans les poches, avec son sourire sympathique et son amour des autres, haussant les épaules. Un charisme naturel et on le suivait sans même s’en rendre compte parce qu’il ne se mettait pas en avant, trop timide pour ça. Une manière de donner l’impression que rien n’est vraiment important tout en s’insurgeant au bon moment et parce que c’est juste. Cette aptitude à discerner l’injustice, je pense qu’elle le rendait populaire. Et aussi à rire franchement, même par politesse, ce type de politesse rare, honnête et directe. Les autres souriaient en le voyant arriver comme je souris en repensant à lui maintenant, parce qu’il incarnait le bon pote, le gars sympa, qu’on peut légèrement admirer mais sans trop virer dans la béatitude; parce qu’il le prenait avec flegme. Charmant, intelligent, il aurait pu avoir beaucoup de succès auprès des femmes, le genre de succès qui à un moment ou un autre se serait retourné contre lui en le jetant dans l’arène des charmeurs-dragueurs. Mais il n’était pas assez causant pour cela. Julien respectait et admirait les femmes, un peu trop, comme de précieux totems, potentiellement dangereux, potentiellement magiques. Alors en entendant Aranyo rire au téléphone je me suis dit que ce genre de grande amitié, pleine de fraternité, me manque. Hélas au prochain train il aura fondu dans le brouillard.


Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.

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