Le problème de cette fille, c’est qu’en pensant à elle je pense tout de suite à un problème. Elle sourit, séduit, immédiatement charmante, quand elle s’oublie au jeu charmeuse, et déjà raisonnent au loin la kyrielle de casseroles d’eau bouillante que son minois tentant efface en insisant un peu. Cette séduction naturelle dont elle embaume provient d’une étrange association entre un courage formidable et une fierté non moins remarquable. Une fierté quasi animale, sensuelle, si pleine qu’elle donne envie de croquer dedans à pleines dents: donner envie aux dragons qui rôdent, pas aux papa posés cadres supérieurs; cette aura de guerre lui évite la vie de station service au milieu de la plaine vidée par le soleil radio chantonnant. Une fierté animale qui lui permet néanmoins de distinguer le profitable du nuisible et d’avancer comme à pieds nus sur un sentier de guerre dans la jungle. Son courage par contre, à côté d’une capacité à se dépêtrer des situations les plus extravagantes ou pénibles, est paradoxalement responsable de ces mêmes situations. Elle est d’autant plus courageuse qu’elle est impulsive et fonceuse. Déterminée: femme de tête qui s’approprie ce sur quoi elle a jeté son dévolu par passion ou par intérêt. Professionnellement c’est à son avantage, sentimentalement elle peut tout obtenir moyennant un sourire en amandes et un décroisement de jambes approprié; par contre elle ne sait plus qu’en faire après, parce qu’elle est comme une petite fille perdue et s’attache, mais s’attache à des colliers de dragons appâtés par la princesse tyrannique. Elle est comme cette déesse fatidique de tornades et de forces élémentaires des comics, se changeant soudain en une enfant chérie de manga, aux grands yeux brillants, perdue. Entre deux, sa révolte se manisfeste comme un profond doute existentiel qui lui laisse comme espace de liberté le seul jeu, et elle joue avec l’avenir comme une enfant boudeuse et riche laissant glisser entre ses doigts des bijoux. Elle a peur de creuser le même sillon de vie en impasse que celui de ses parents adoptifs. Elle doit tenir debout toute seule, elle doit faire face toute seule. Dans le fond le couple n’est qu’un moyen provisoire pour alléger l’existence, un moyen sur lequel Lisa ne peut absolument pas compter depuis l’artificielle et immense déception d’un divorce en réalité préparé de longue date, préparé depuis la naissance de sa fille. Lisa ressent trop l’artificiel dans la vie de famille, elle ressent la vie de famille comme si elle y était invitée, comme une réceptionniste d’hôtel 4 étoiles qui fait ce métier uniquement parce qu’elle s’est convaincue que jamais elle ne pourra se permettre de passer une nuit dans pareil endroit avec pareil bonheur: ce bonheur-là , elle se l’est déjà interdit. Elle craint les épanchements d’amour, car ils sont trop souvent de fausses promesses. Elle possède ce sentiment du mensonge de tout ce qui implique ses émotions, inné, parce qu’il y a longtemps elle a été trahie. C’est alors naturel de craindre la déception, si naturel qu’elle la prépare avec application. Mais il faut foncer! Il faut avancer! Ne pas s’attendrir trop longtemps, ne pas s’empesantir de regrets: elle sait qu’à un moment ou un autre, sans crier gare, sans pourquoi, elle fera confiance à l’idée d’avoir une vie de famille. Cette clé, cet évènement magique, ce peut-être, elle l’attend, la petite fille aux grands yeux accrochée à sa peluche, sanglotant dans un coin de la vie, seule, mais têtue et patiente. Elle l’attend qui ressorte à la surface.
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Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.
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