Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : Christelle

Avec mon nouveau téléphone portable ultra sophistiqué je peux écouter la radio dans le train. Un auteur de théâtre très en vue tentait d’expliquer à France Culture son idée de l’écriture romanesque. Il me chuchotait à l’oreille ses expériences mystiques, une voix très féminine, je l’imaginais plutôt pâle et décharné  avec de grandes lunettes qui le rapetississent. Il m’agaçait avec sa voix couinant des absurdités d’auteur. A un moment il a rigolé de sa voix de souris: "Vous savez avec mes 100kg je ne passerais pas!" 100kg. CENT. KILOS. Christelle est un peu comme ça. Je crois voir et entendre quelqu’un qui est elle. Mais je soupçonne qu’elle est une toute autre personne. Plus exactement, c’est un peu comme s’il y avait un minuscule lutin agrippé à des manettes qui la téléguidait de l’intérieur. Elle n’est pas tout à fait là , en me plaçant en face d’elle j’ai la sensation de glisser toujours un peu à côté. J’attendais que ma lessive sèche au salon-lavoir sous-gare et j’ai remarqué cette femme aux jeans moulants et top pigeonnant qui traversait la rue; un "wouah" intérieur typiquement masculin a discrètement résonné dans ma gorge. Et puis de plus près j’ai vu que c’était Christelle et j’ai eu comme un choc. Christelle est pleine de charme mais discrète, ce n’est pas le genre de fille que je m’imaginais "wouahyer" dans la rue. Elle me fait penser au personnage de Carrie dans le roman éponyme. L’héroïne timide d’un film d’horreur. D’abord on ne la remarque pas au milieu des blondes aux gros seins, et au fur à mesure que les gros seins disparaissent à quatre pattes dans les jets d’hémoglobine, l’héroïne pâlichonne attache ses cheveux en arrière, enlève son pull angora rose, n’a par miracle plus besoin de ses lunettes, et sa peau de pâle devient marbre fatal soulignant le mascara discret d’yeux immenses et magnifiques. Elle s’incarne pour les besoins du scénario. Evidemment quand il n’y a rien d’écrit sur la page comme en face de moi, elle ne s’incarne pas, elle ne présente pas son rôle et glisse à côté. Une de ses amies, que je ne nommerais plus ici par prudence (de crainte qu’elle ne surgisse en bas de mon immeuble un couteau de cuisine à la main), est au contraire tellement incarnée, férocement elle-même, que ça ne m’étonne pas qu’elles soient devenues si proches. Elles trouvent entre elles comme un compensation réciproque, une osmose reposante. Tant de discrétion, d’effacement qui n’a rien de timide mais qui est volontaire, me ferait penser à une vaste incertitude que Christelle entretiendrait au sujet d’elle-même, une peur d’être quelqu’un qui ne lui plairait pas et qui ferait du mal aux autres. Innocente, enfantine, fragile et papillonnante suggérant pourtant, évidemment, tout le contraire.


Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.

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