Joyce

Joyce.
Ulysse.
Loin de moi l’idée que c’est illisible.
Pourtant je n’ai jamais réussi à dépasser la centaine de pages.
Je lui tourne autour, à des méga-lieues de sa syntaxe, intimidé par cette réputation cosmico-littéraire, j’essaie, je rate, j’oublie, je recommence, j’abandonne.
Joyce est une relation cafardeuse, un couple qui ne peut pas exister et qui pourtant essaie, une impasse avec une porte fermée.
Mais ce n’est pas juste de le limiter à la syntaxe, à la simple tournure d’une phrase pivotant sur elle-même à n’en plus finir. C’est plutôt l’organisation même du flux de son écriture, la hiérarchie de ses réflexions, l’envolée de ses personnages, qui me laisse désemparé. Joyce est une falaise pleine de saillies où s’agripper, et pourtant je glisse toujours.
Je n’ai pas envie de l’achever par défi, juste pour dire “je l’ai lu”; j’ai envie de le lire vraiment.
C’est parce que la formulation de sa pensée au travers de ses personnages semble étonnante de vérité. Son écriture, c’est ainsi qu’on pense. Mais on ne peut pas lire une pensée. Je suis trop habitué à lire des synthèses.
Tous les livres actuels sont des synthèses de pensées.
Joyce a parié sur la pensée elle-même : on lit une écriture automatique, mais une écriture automatique qui s’observe en permanence.
Son aisance est terrifiante. Elle le rend innatteignable, mais aussi elle achève son écriture. Joyce s’est tué devant nous par les mots, et ce faisant il est devenu le martyr de l’expression verbale, cumulant tout ce qui a été écrit et transformant tout ce qui a suivi en une suante répétition.

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