Changer de peau

Les murs boursouflés suintent une humidité que l’homme au milieu de la pièce, sur sa chaise, ne voit pas. Des camions de banlieue passent l’un derrière l’autre sans s’apercevoir qu’ils forment un train ininterrompu de roulements, tremblements, vie d’écart en écart constipée comme un bouchon d’autoroute en cercle. L’homme sur sa chaise ne les entend plus, il regarde le plateau à ses pieds. Il repense aux nuits passées à faire le tour du périphérique inlassablement. L’unique fenêtre est embuée, pourtant il fait froid, le givre étincelle. Un peu comme le plateau à ses pieds, où s’alignent des bistouris de tailles diverses, des aiguilles à coudre et même un couteau plus large. Des nuits à tourner en rond sur le périf’, à scander ce verbe parfait. Le raccourci sublime du boulevard désert de son existence; cette ruelle sombre qu’il n’avait jamais remarquée. La prendre, avec ce verbe parfait, ce verbe lumineux, joyau hurlant, émeraude obscur.
Disparaître.
Longtemps, il a vécu le tam-tam de ce verbe. Puis ce fut “changer de vie”. Enfin, au cœur d’une nuit sans rêves, il s’arrêta, assis sur cette chaise au milieu de la pièce, il s’arrêta sur : “changer de peau”. Les bistouris souriaient.

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