Malheur

Il mâchait avidement
Sans vraiment se taire
La viande morte
La peau élastique et flasque,
Il avalait en rotant
De temps en temps,
L’oeil humide de joie.
Il me regardait de travers
L’air d’avoir un peu peur
Mais de n’avoir peur de rien.
L’hypocrite laissait gargouiller
Ses viscères glauques
En me lèchant les genoux
Qu’il allait bientôt broyer
Avec ses dents discrètes si bien aiguisées.
Il s’y est mis avec tant de ferveur
Que bientôt la moitié de mon corps
Sombrait vers sa gueule puante
Et alors qu’il me remontait encore
Je fixais ses yeux noirs,
Un seul et vaste iris,
Et je souriais
Et même j’éclatais de rire
Je me moquais, je lui disais :
Qu’attends-tu pour prendre ma tête ?,
As-tu peur, toi peur, de perdre la tienne ?
Et je riais
Et je riais à en pleurer.
Ce qui, enfin, a émi un doute
Dans l’estomac géant du monstre,
Un vaste pet sans aucune odeur.
Le fit fuire, loin je crois,
Vers d’autres pieds
Vers d’autres peurs.
Car il y a toujours d’autres pieds
Et d’autres peurs…
Le Malheur : cette bête n’aime pas mon rire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Calcul *Captcha loading…