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Je me suis dégagé brutalement.
“Il n’y a pas de demain ! Tout ce que nous vivons en ce moment est faux ! Il n’y a pas de demain, il n’y a pas d’avenir et il n’y a pas de temps, tu comprends ? Je suis mort ! Un truc m’a explosé la cervelle sur le balcon et je suis mort !”
Aux regards de Nour et de nos voisins de table, il parut clair que ce truc qui m’avait explosé la cervelle devait être une forme de LSD aux endomorphines particulièrement efficaces. Certains hommes pompeux et virils commencèrent à se plaindre aux serveurs qui entre-temps s’étaient tous changés en hippocampes frétillants.
Elle me tirait entre les Mercedes rutilantes alignées dans le parking, les jets de sable fin sous mes pieds flottaient comme si nous marchions sous l’eau.
“Tu comprends pas que ce n’est pas MOI qui délire mais tout le reste ?! Je suis vrai et je suis l’unique chose vraie ici ! Arrête Nour, arrête-toi !”
D’une main je l’attirai contre moi et tout naturellement nous nous couchions sur l’avant encore chaud d’une décapotable.
“J’ai envie de toi, Nour, c’est la seule chose vraie ici. C’est la seule chose vraie partout.”
Le sable flottait autour de nous et près de la falaise dans le noir océanique je crus distinguer quelques algues qui s’ennuyaient au gré du courant. Elle portait une robe légère sans soutien-gorge, ses seins contre moi s’étalèrent tels deux bombes électriques. Nour se prit au jeu et m’enroba de ses jambes. J’ai senti le mouvement impatient de mes spermatozoïdes, l’élan primordial qui m’aspirait vers elle. J’eus la grandiose idée de vouloir être nulle part en compagnie de Nour, que nous, la Terre et les étoiles. L’espace interstellaire m’aurait plu, pas une seule molécule pour nous séparer, un désert de pensées, un désert d’existences, un désert d’humanité.
“Tu es sûr que tu es la seule personne vraie ici ?”, murmura-t-elle.
“Non, tout ce qui va vers toi me semble vrai…”
“Et l’eau ?”, gémit-elle encore.
“Quoi l’eau ?”
“Tu n’as pas encore soif ?”
“Pourquoi aurais-je soif ?”
Son visage se glaça sur moi. Sèchement elle plia les jambes et me propulsa loin derrière au bas de la dune. Elle hurla :
“Parce qu’on est en train de crever au milieu du désert ! Parce que tout ton pognon ne peut pas remplacer tout ce sable par une seule source ! Parce que nous sommes ici à cause des délires mégalos de nouveau riche de Monsieur qui veut découvrir les sensations fortes ! Parce que nous sommes perdus au milieu du Sahara et que le seul truc auquel tu penses maintenant c’est troncher avant de crever !”
Malgré ma surprise devant cette nouvelle situation je pris le temps d’observer la clarté de la Voie Lactée admirablement proportionnée aux dessins infinis des dunes qui nous entouraient. Le sable était froid. Nour s’enveloppa d’un voile en zéphire et maugréa encore deux ou trois insultes avant de reprendre la marche vers le sommet.

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