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“Nour ! Attends ! Nous ne sommes plus à Finisterre ! Nous sommes dans un désert !”
Mon cri avait sans doute l’intonation d’une remarque ridicule mais j’étais stupéfait de ma découverte. Nous étions dans un désert parce que je l’avais voulu. J’avais souhaité le vide autour de nous et quoi de plus logique que le Sahara ? J’ai pédalé dans le sable à la suite de Nour, et je m’enfonçais à mi-mollet à chaque pas. Le sable nous engloutissait, soyeux et indifférent. Nour m’attendit au sommet de la dune. Je l’ai attrapée par les épaules.
“Nour c’est fantastique tu te rends compte ?”
“Tu pètes les plombs. C’est la folie des grandeurs ou la folie tout court.”
“Mais il y a quelques instants nous étions dans un resto huppé à Finisterre et là on se retrouve au beau milieu d’un désert. Tout ça, écoute-moi bien, parce que je le veux !”
“Oh oui tu l’as voulu. J’ai quitté une relation vieille de cinq ans, et crois-moi ou pas ça ne marchait pas si mal, tu as abandonné femme et enfants pour me suivre dans ma “mission humanitaire”, on a joué aux princes en Afrique d’un pays à l’autre, ou devrais-je dire d’un hôtel cinq étoiles à l’autres parce que ça n’a rien à voir avec l’Afrique, lorsque t’es venue l’idée lumineuse de faire une expédition dans le Sahara… C’est sûr tu l’as voulu. Tu as voulu voir comment l’argent pourrait grossir à la démesure le désespoir que j’ai toujours connu en toi. Abandonner notre guide, gesticuler de bonheur sous les étoiles, ivres de vin et de coke sur des kilomètres, la grande illumination quoi. Mais là excuse-moi je suis redescendue. Et je me rends compte que j’ai trop bien joué le rôle de la femme idéale décuplée par ta folie des grandeurs. J’en ai marre. Je veux faire mon job et arrêter de jouer au bédouin snobinard. Médecin humanitaire c’est pour ça que je suis partie, tu te rappelles ou tu es trop troué de tunes pour voir autre chose que la mort grandiose que tu te souhaites ?”
Elle m’avait attrapé par le col pour me cracher à la figure tous ces moments que j’étais censé connaître. Mais il n’y avait rien de vrai là -dedans. Simplement une idée du passé qui s’était construite pour faire que mon vœu de me retrouver nulle part en sa compagnie se réalise. Pourtant elle y croyait à tout ce passé. Non seulement elle y croyait mais elle avait vécu tous ces évènements avec moi.
“Nour, écoute-moi bien. Je sais bien que tout ce qui nous arrive te paraît horriblement concret. Que tu nous vois perdu au milieu du Sahara à cause de mes délires ratés. Mais c’est faux. Tout ça c’est… c’est…”

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