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Cette réponse pleine d’une foi candide en la vie me désarçonna. En somme Nour était comme tout le monde, elle était sage, elle se serait contentée de désamorcer les petits méfaits du quotidien. Je m’effondrai à genoux dans le sable, sous l’ampleur de ma propre mégalomanie.
“Tu as raison. Pourquoi se débarrasser d’un désert entier si on peut être heureux grâce à l’apparition d’une simple source ?”
“Ton désespoir face à notre situation te fait peut-être voir les choses un peu trop en grand.”
“Voilà , mon désespoir. Il faut que je le réduise à moi-même, ce désespoir. Tout l’amour que je te porte ne suffit pas, ne peut pas m’aider. C’est ça que tu veux Igor ? Tu veux me voir en finir avec la vie hein ? Soit.”
Dernière vision du visage de Nour et les étoiles éparpillées autour d’elle.
“Promets-moi, Nour, de ne rien croire à ce que tu entends sur moi, promets-moi de ne pas te fier aux apparences.”

La Ferrari 612 Scaglietti réagit au petit effleurement sur la pédale des gaz en bondissant en avant. J’eus tout juste le temps de prendre la voie de gauche de l’autoroute pour éviter un semi-remorque. L’habitacle ronronnait de contentement et l’odeur de cuir neuf m’encouragea jovialement à passer à la vitesse supérieure. La nuit filait et la Ferrari grondait en avalant de plus en plus vite les bornes kilométriques. Le tableau de bord indiquait 01:51 AM. Les quelques rares véhicules que je dépassais semblaient faire du sur place. 230 km/h et l’aiguille montait. Je reconnus la ligne droite de l’autoroute menant au giratoire d’entrée vers Compostelle. Il ne restait que quelques kilomètres avant d’y arriver.
“Ok Igor, voyons voir maintenant où notre petit jeu va nous mener, d’accord ?”
Ivresse de la puissance décuplée du moteur sous la pédale. Un véhicule de police stationnait à quelques centaines de mètres de l’entrée du giratoire.
“Tu n’as pas réussi à te débarrasser de moi en m’imposant la mort. Et maintenant tu te dis que la seule manière de me jeter est que je la souhaite moi-même cette mort, n’est-ce pas ? Je suis devenu trop encombrant. Soit. Je suis curieux de nature tu sais. Alors allons-y gaiement.”
J’ai enclenché la radio. Mozart m’accompagnait. Les policiers, ces petits soldats de la raison, ont vainement gesticulé en s’écartant.

Arrivée au giratoire, la Ferrari a déchiré la rambarde métallique et filé tout droit vers le centre, où trônait la statue du Prix Nobel Camilo José Cela sur un piédestal en béton. Le reste ne fut qu’explosion, flammes, et pompiers.
Même à cette heure avancée de la nuit, les badauds s’agglutinèrent autour de la carcasse de la voiture de sport. On extrayait par petits bouts les restes calcinés de celui qui fut identifié plus tard comme un récent gagnant d’Euromillions. David Ruzicka.

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