31.

L’air dehors était frais, le ciel étoilé. N’aurait été cette bande de clowns courant en tout sens autour de moi, pathétique comme issus d’un cirque de campagne, j’aurais pu apprécier la soirée.
Je marchais droit devant moi, pour la première fois, je ne regardais pas mes pieds, mais les façades bariolées. Je m’extasiais…

Je flotte, ballotté sans grâce par des lames de fond incendiaires. Je bois la tasse et les flammes me brûlent la gorge… Je défigure ta beauté, j’arracherais ton souvenir photographique, mes ongles creuseront des sillons dans tes joues, carnassier. Je suis une antiquité revisitée, une entité séquestrée, un jésus défiguré, je suis le fond de cale d’un chalutier, empli pour être vidé, sans attache et non sans tache…

Entrelacs d’asphalte dessinant mille et une formes auxquelles notre esprit associe des visages, des figures. Des taches anonymes de couleur plus ou moins vive se reflètent, affairées, sur le dédale vitré qui n’en finit pas. De loin en loin, des messages d’espoir ou de haine sont griffonnés à la hâte. Les taches progressent, chacune s’accordant inconsciemment sur un métronome apathique. Le chant des oiseaux, masqué par le silence de nos idées impassibles alors que nous brûlons notre avenir chaque fois que nous tournons une clé. Alors on regagne notre prison dorée, trop propre, trop exiguë, s’élevant toujours plus haut vers les cieux encastrés les uns sur les autres, immense abattoir de plâtre et de contreplaqué. On souffle, heureux, protégés par un rempart d’acier. »

J’ai terminé la lecture de cette fiche dans un état proche de l’hypnose. S’ils étaient tous comme ça ici j’allais rendre l’âme.

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