Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : T. | La vingtaine

Au lieu de simplement dire merci, du haut de ce minuscule univers égocentrique de 21 ans, elle ricane, presque pédante à force de croire que tout lui est du. "Tout lui est du"… Ca y est je parle comme un vieux. Parfois je tombe sur la photo d’une jeune femme et quand je regarde sa date de naissance, je m’effondre, tétanisé d’horreur: 1985 passe encore, cette date je me la représente encore assez loin de moi, mais 1990… Elle a 17 ans cette année, cette fille mannequin qui s’est déjà fait refaire les seins et dont tous les journeaux affichent le dernier Armani. 1990, pour moi c’est "il n’y pas si longtemps que ça", j’entrais à l’uni, je me forgeais un caractère plein de croyances et de promesses, jeune homme à l’avenir sculpté dans le marbre, bla bla bla. Et elle était un nourrisson à ce moment. Je veux dire elle n’était rien, elle gesticulait, beuglait, têtait, alors que moi je rentrais à l’uni bon sang! C’est hallucinant. Comment peut-elle se permettre d’avoir déjà 17 ans et d’être si… si… si grande? Elle est devenue une femme depuis 1990 et pendant ce temps moi j’ai fait quoi, je suis devenu quoi? Le passage du temps est parfois si décevant. Cette digression pour revenir à ma pédante voisine de 21 ans (bien se rappeler qu’elle avait 4 ans en 1990), qui fait la fête le plus souvent possible, couche un peu partout avec un peu de tout, ne travaille que rarement ou alors comme "comédienne", ou parfois quand ça lui convient "danseuse"; parfois elle est aussi "chanteuse"… Bref elle se marre bien avec sa jeune vie, et la vie le lui rend dans la joie: bel appart dont le loyer est partagé avec une personne qui n’est jamais là , un entourage nombreux constitué de gens tout disposés à l’aider, elle et sa fille de 6 ans, l’argent de l’Etat, manne qui lui suffit à peine mais les boulots au noir dans des théâtres déserts compensent. Elle virevolte, tournoie, sourit au plus offrant, et quand je l’envoie balader alors qu’elle me demande si je peux aller poster une lettre pour elle, la voilà qui fulmine. Petite pouffiasse qui marchait depuis 3 ans en 1990 alors que moi j’étais grand, je savais lire, j’avais déjà vécu plein de trucs! Et elle ose me prendre de haut. Je suis si las. Tellement vieux ces temps-ci, et frustré par mon existence comme un ouvrier chinois dans une banlieue moscovite.

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