Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : O. L.

Il a vraiment l’allure du gentil androïde Sonny faisant la réplique à Will Smith dans I, Robot, ou une version adulte du petit David Swinton dans A.I. de Spielberg. Apparence plastique, yeux fait exprès pétillants, sourire cordial, mouvements posés, déplacements coordonnés, un homme politique doit se positionner physiquement selon ses convictions, sa gestuelle est calculée pour obéir à des objectifs précis, O. occupe l’espace comme un homme politique en vacances, avec une aisance presque liquide. Ce qui, forcément, est suspect. Parfois j’aurais envie de lui couper les doigts un à un juste pour que son avenant minois soit déformé par une expression plus contrastée. Il émane de lui une énergie proche de celle d’un Liquid Crystal Dysplay: je le contemple en m’attendant à ce qu’il se passe quelque chose mais il ne se passera rien si je n’appuie pas sur une touche. Notre relation doit être faussée parce qu’il sort avec S., mon ex. Faussée dans le sens qu’il se déplace devant moi un peu comme si j’étais l’oncle ou le grand frère de S., avec des espacements de politesse et de douceur. Mais je l’imagine aussi m’ôter les lunettes et me gifler soudainement et sans raison particulière, avant de replacer mes lunettes tranquillement. Qu’il soit un candide introspectif, geek faisant tournoyer autour de lui ses idées de programmation dans un système de pensées clos, presque autiste, me donne le sentiment qu’il ne cache finalement pas grand chose. Il joue la comédie du savant farfelu, entretenant une ambiguïté polie parcourue de secousses internes, silencieuses, arithmétiques, et au-delà il attend peut-être une déclaration de guerre, un changement radical qui le ferait discrètement sourire. Une statue paisible sur son socle, mais une de ces statues qui nous observent où qu’on se tienne, avec selon l’angle une ombre un peu inquiétante sur les paupières. Il fait aussi souvent les aller-retour entre Lausanne et Genève, je soupçonne que ces déplacements sont une sorte de cure de solitude, une méditation provoquée par l’éloignement des Lausannois et le rapprochement des Genevois, et le soir inversement. Dans le souci d’être entouré par un univers maîtrisé au maximum. Quand je le vois dans le train avec son sourire détendu et le regard pétillant pour une toute autre raison que le fait de me croiser, je croirais qu’il porte autour de la taille une ceinture d’explosifs.


Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.

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