Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : Folco

Quand je suis né une deuxième fois, en 1993, au-dessus de mon berceau se sont penchés un père et une mère. Rien de très excentrique, sauf que que j’avais vingt-deux ans, Folco en avait deux de plus et Laetitia deux de moins, et que mon berceau avait la forme d’une minuscule pièce noyée dans l’ombre des géants de Manhattan. Je savais bien sûr, ou plus exactement je sentais, je l’avais grouillant dans le ventre, me sautant aux yeux matin et nuit, mes cheveux s’étaient soudain dressés sur ma tête en une coupe aberrante, que tout allait changer, tout. Folco m’a donné la main, on a gravi la première colline ensemble. Son sourire d’émerveillement à tout, sa foi en la vie, sa force de conviction et son énergie communicative. Pourtant quelque chose le freinait et en contrepartie il était amusé et fasciné par ma passion sans limite, l’énergie formidable que je mettais en tout et sous des dehors timides cette permanente ébullition. Il s’empêtrait  dans ses doutes et chaque acte de création était accompagné d’un anti-acte de doute, de mise en abîme et parfois de rejet. Alors forcément avec moi à côté qui me jetais corps et âme dans l’acte de créer, gambadant entre les gratte-ciels, nouvel artiste élu, frais, candide, prêt à refaire le monde sur une page en une nuit, Folco buvait mon aveuglement créatif primordial jusqu’à la lie. Mais l’ombre de son père. Je me souviens que nous avions de temps à autres, pointant dans le maelström de nos concepts, nos idées, nos théories, nos révolutions, des réflexions sur son père écrivain. Il se sentait libre de lui mais ne l’était pas. Surtout au coeur de l’acte créatif lui-même: il s’arrêtait, tordu par les remises en question, annihilant le créé dans l’instant suivant, improbables et dévastateurs retours en arrière. En définitive je crois qu’il a fui mon chaos, un côté destructeur naissait en moi qui lui faisait peur. Sa recherche à lui se tournait vers l’humilité, la sérénité, même si le feu promothéen lui brûlait toujours les entrailles. Il avait tellement d’avance sur moi; peut-être avait-il justement trop de visions du monde, paralysantes. Je l’ai vu à la télévision italienne plus récemment car son père est décédé l’an dernier. Je me demande abruptement si ce décès lui permettra d’atteindre ses objectifs artistiques. Je me demande d’ailleurs s’il en possède encore. Folco m’a montré qu’il est possible de tenir le monde au creux de sa main. Ensuite il a tendu son poing vers le chemin s’en allant dans la plaine, l’a ouvert et m’a laissé poursuivre seul la poussière de nos rêves.


Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.

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