Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : Patrick M.

Il y a un peu de tout le monde en chacun de nous. Il y a un peu de Patrick à côté. Au Kenya en 1994, lors d’un été si chaud qu’il ne faut même pas le mentionner, certains touristes méticuleux se demandaient pourquoi tressautait dans les fougères ce large chapeau de chasseur de papillons sur fond de lions ennuyés. C’est là que j’ai vu la photo de Patrick la première fois, bondissant dans le flou de la chaleur devant un lion ébahi. Je ne crois pas qu’il chassait vraiment des papillons – il ne connaît rien aux papillons – mais il fallait qu’il soit là . Un peu plus tard il vagabondait à Monaco dans une Triumph Spitfire décapotable sans doute empruntée à un garagiste qui affolé ameutait toutes les polices de la ville. Patrick est celui qu’on aimerait être tout en ne sachant pas très bien qui c’est. Il y a un peu de son regard et de son air faussement ahuri dans un coin de toutes ces photos de magazines surprenant les stars dans un éclat de flash. Si vous regardez bien, peut-être que vous le remarquerez. En fouillant dans les archives de France Culture vous l’entendrez aussi répliquer d’impertinentes questions à quelques grands philosophes de passage sur les ondes. Mais certainement que vous l’avez remarqué animant une soirée sur la scène d’un club med. Parce que Patrick est un peu partout, il est celui qu’on n’attend pas mais qui est là plus que les autres. Une fois je l’ai remarqué à un gala mondain parcouru de plantureux mannequins sous les projecteurs d’une fameuse terrasse de la rade genevoise, il avait arraché le micro pour une longue tirade, un tantinet dramatique, sur la disparition des pingouins d’Afrique du Sud. Il manie à merveille cet art de surprendre là où il faut surprendre et surtout de surprendre là où il ne faut pas surprendre. A un repas entre amis il a avoué, dans un moment de silence ennuyant comme il en advient trop souvent, que la pornographie n’était pas trop son truc et que si on lui proposait encore de participer à un film il n’accepterait qu’en la présence de guest stars. Mais en même temps qui a sa propre vie? Patrick n’a pas la sienne plus que d’autres, mais au moins il est un personnage. Un caractère sorti de la pièce d’un génie pour jouer tous les rôles auxquels on rêve dans le train-train. Avec ce panache et cette grandiloquence qui n’a d’égal que le mensonge. Mais un mensonge doux et enviable: la recomposition tendre et subtile de la réalité par amour des autres.


Ce texte n’engage que son auteur et ne prétend en rien être exhaustif ou représentatif de quiconque. Il s’agit d’un instantané subjectif, d’une représentation parcellaire et momentanée, ayant pour but l’esquisse littéraire d’un personnage fictif autour d’une personne existante. En aucun cas ce texte n’a pour prétention ou objectif le viol de la vie privée ou la description unilatérale d’une personne existante. A considérer avec précautions, tel un tabloïde de seconde catégorie.

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