Etre un site

Elle est très imparfaite.
Dans le sens où j’aurais à la comparer à un site web, en terme d’ergonomie, impossible de s’y retrouver.
Déjà, le menu est en-bas.
Ensuite le meta-titre est « Je suis eux ». Très mauvais pour les moteurs de recherche.
Bon, en piochant à gauche à droite au hasard, on a vite fait de se rendre compte qu’elle n’en a rien à foutre des moteurs de recherche.
Puisque c’est elle qui recherche.
Quoi, c’est pas sûr.
De même que le sexe d’ailleurs.
En se promenant sur ce site au hasard du fourre-tout des liens, on ne comprend pas vraiment si elle est il ou il est tel.
On aimerait se raccrocher au menu d’en-bas.
Alors: « Eux », « Moi j’eux », « Et si j’euzais », « Textes », « Aimer », « Fuir », « Furie », « Contact »
Moi en arrivant sur elle j’ai bêtement cliqué sur « Contact » parce que ça me rappelait d’autres sites.
Je suis tombé sur un court paragraphe assez rationnel m’expliquant que la probabilité de rentrer en contact avec une civilisation extraterrestre était très faible et que, à moins que je ne sois très patient, et surtout jeune, en bonne forme, avec un espérance de vie diluvienne, il valait mieux que j’oublie.
Dans mon sourire, j’avais déjà découvert sur ce site un peu d’humour. Et un peu de pessimisme.
Mais ce texte m’a suggéré que sous le chaos apparent je devais y trouver une organisation hors du commun.
Alors je suis tombé sur une page, parce dans ce site on ne peut que tomber sur quelque chose, inutile de se dire qu’on l’a voulu, le site prend la main, et tire le long de ces marches que Dürrenmatt a si bien décrites dans sa nouvelle sur le néant, tire vers une excitation bizarre, un peu comme de tenir un billet de loterie qui n’a aucune valeur, mais qui pourrait. Qui pourrait. Et cette page ne racontait rien de vraiment épatant. Néanmoins j’ai tout de suite compris qu’elle était une femme, à sa manière de tenir une cigarette en observant les fenêtres illuminées de l’autre côté de la rue. Ses mots respiraient ce désir d’être au-delà d’aimée. Un mec aurait voulu dominé, être admiré, même doucement, mais elle voulait se fondre.
J’ai pas tout lu et zappé sur un autre lien dans le texte: yeux. J’avais remarqué, au début de ma baguenaude sur ce site, que yeux apparaissait souvent en lien. Parce que c’est eux, à un y près, ai-je compris dans une image. Presqu’en plein écran, l’image de ses yeux, et dans les iris, presque une plaine après la bataille, fumante, sanglante, avec ces petits drapeaux flottant dans le vent, presque apaisants. Tout est terminé.
C’est à ce moment que j’ai été pris d’effroi. J’aurais voulu continuer à cliquer, dans « Aimer », sur « vidéo », mais ça me brulait, par-dessus la plaine de la guerre, je n’avais plus assez de souffle pour tous ces liens.
Et j’ai abandonné. Parce que ce site m’aurait mené loin et que j’étais trop lâche pour aller voir là-bas.

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