Ne sait pas quoi faire

José regarde les gens passer depuis un coin vide du bistrot. Ils passent. La serveuse est mignonne, en plus elle a l’air sympa. Comme il n’y a que deux ou trois vieux ivrognes elle lui jète souvent des petits regards un peu intrigués, un peu tristes.
Dehors, la vie de banlieue poursuit son cours. Le vent balaie les feuilles derrière les gens, les voitures accompagnent le vent, les mains dans les poches accompagnent quelques errants.
José rêve de prendre la serveuse par la main et de partir quelque part très loin, de préférence sur une île où l’eau serait toujours chaude.
Il rêve d’amour, de sexe un peu aussi, il rêve de grand départ et de grands chambardements. Un café de plus qu’il avale d’une traite en scrutant soigneusement son reflet dans la glace. Il se souvient qu’à l’âge de 13 ans beaucoup de copains l’admiraient, qu’il était le centre de la classe, le centre du monde, et les filles qui se disputaient autour de lui comme autour d’un morceau de “trop beau pour toi”. Où sont-ils maintenant ces élèves et ces vieux compagnons de route ? Que sont-ils devenus ? Combien vivent encore ?
Et puis José regarde devant lui, là où la vie ne finit pas. Il se dit : “Pas trop de souvenirs, pas trop vivre dans le passé, mec.” Il essaie de sourire à la serveuse. Il entrecroise son reflet dans la glace et il voit que son sourire fait complètement faux. La serveuse lui répond quand même en souriant aussi. Tout est faux.
Le soir même, les bras enlacés autour de sa nuque, les jambes enlacées autour de ses hanches, elle gémit sous lui en rêvant aussi d’île et d’eau tiède.
Le matin suivant le vent souffle plus fort, le café est froid, il se met à pleuvoir, des capotes visqueuses traînent parterre.
Elle bosse au café quatre jours par semaine.
Il n’est jamais revenu.

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