Painkillers

Yasmina les prend chaque matin. Une fois la blanche, une autre fois la rose. Elle préfère le goût de la rose, et puis c’est la rose qui la rend gaie. La blanche… Yasmina ne sait pas trop à quoi elle sert : elle n’a pas de goût. Parfois elle se dit que c’est le fond de la vie, et quand elle reste longtemps appuyée contre le carreau de la vitre à observer la circulation à travers les gouttes de pluie en contrebas, elle sait que le goût de la vie reste quelque part au fond de sa gorge, là où sans ses pilules, elle a toujours envie de vomir. Elle part au travail à 8h00, elle revient le soir à 18h30. Avant le dîner elle les reprend. Après c’est la joie, comme le reste de la journée elle n’a pas besoin de manger. Yasmina peut regarder la télé. Et la télé est rose, c’est génial comme elle est rose. Plus tard, elle évite juste de regarder ses côtes saillantes dans le miroir avant d’aller se coucher. Le matin, elle ne déjeune pas, Yasmina prend la rose puis, plein de défi, elle avale aussi la blanche. Ca n’a pas de goût, la vie, sourit-elle en partant travailler.