Jeunesses

Parfois il tourne directement à droite à la sortie du métro et prend la petite ruelle noire de monde toute la nuit, derrière la Bastille, sur les terrasses et dans les bistrots alignés le long de la foule s’étirant sur toute la rue, des lieux d’abandon au garde-à -vous.
Il n’aime pas sortir. Il travaille trop pour en avoir encore envie. Et puis lorsqu’il rentre il a sa femme et son garçon qui l’attendent.
Mais depuis quelques semaines il bifurque de plus en plus souvent sur cette ruelle.
Il se sent vieux.
C’est la première fois de sa vie qu’il a ce sentiment. Observant les jeunes femmes rire, les jeunes hommes et leurs pantalons lâches sur leur hanches étroites, presque maigres, les éclats de peau lisse brillant un peu partout dans la chaleur estivale et ce mouvement d’ensemble, à la fois nerveux et sirupeux, glauque et splendide.
Merde comme ils ont l’air jeune, tous.
Il sent que tout ça, c’est terminé pour lui. En soit ça ne devrait pas le toucher : il n’aime pas sortir. Pourtant, sa gorge se serre, ses mains moites se ferment et s’ouvrent trop vite dans ses poches. Parce que c’est terminé. Il n’est plus jeune, maintenant sa vie va ailleurs, vers un autre âge qu’il ne connait pas. Et c’est effrayant.

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