Cela fait 10 ans maintenant que j’ai abandonné le monde.
C’était New-York, l’hiver épais même sur les avenues, c’était un Nouveau Monde intime qui se jetait sur moi, vorace, sensuel, giclant, voluptueux.
Certes, il y a eu des idées de recommencement, par la suite. Mais on ne recommence pas une vie choisie pour son achèvement certain.
Echecs.
Les mots.
Ah les mots !
Mon grand cahier noir sous le bras dans les avenues blanches de la Grosse Pomme, avec tous ces petits mots noirs violant le réalité comme des ombres sans corps dans la neige.
Le bel artiste, le grand artiste. Le monde, à ses genoux.
Et puis le monde s’est effacé, avalé par le gouffre de mon attente.
Je suis dans la neige maintenant aussi, en Suisse, dans la campagne, le blizzard.
Je suis dans la neige maintenant aussi, à genoux.
J’implore les mots de me dire pourquoi tout est si glacial.
Ils me répondent en silence :
Tu as fais un choix, tu as abandonné le monde, lève-toi et cours maintenant.
Et j’ai couru, haleine flottant parmi les flocons.
Mais je suis fatigué parfois. Il faut pourtant que je coure encore.
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