Drogues

Je ne considère pas les drogues comme un danger pour l’humanité. Au contraire, elles peuvent se substituer à la violence, à la haine, au désarroi, au mensonge. J’ai souvent pensé qu’en réalité l’univers entier serait une gigantesque hallucination commune, dans laquelle la sensation de vivre la réalité deviendrait le résultat tout-puissant d’une drogue dont la force irait jusqu’à substituer la mort à l’éveil. Je ne parle pas ici de l’éveil du rêve, ou du cauchemar : soyons équitables, mais bien d’une subtile immition de la vérité dans nos vies à travers les drogues, ou lorsque celles-ci deviendraient les seuls messagers de l’autre monde porteurs d’espoir.
Il faut bien reconnaître que ce sont nos valeurs qui placent les drogues au bas de l’échelle. Si nos valeurs étaient inversées, les personnes qui se droguent dans notre société seraient probablement dans l’autre société les plus obtus critiques de la dégénérescence qu’ils y verraient. Car il y a une fine différence à faire : ne pas se droguer pour fuir la société, mais se droguer pour se trouver soi-même; souvent il faut l’avouer, dans le plus grand désordre et l’absence bienheureuse de calculs, le premier est la première étape du second : on commence par fuir la société et puis on finit par se trouver soi-même au sein de cette société, quelle qu’elle soit. J’appelle ce phénomène d’acceptation par la drogue, ou d’ailleurs par tout autre médium psychologique ( rupture, grâce, illumination, miracle, chocs, décès, expérience proche de la mort… ) l’illusion de présence sociale de la personnalité. Cette illusion est avantageuse pour ceux dont la valeur de la personnalité proposée aux autres supplante l’existence libre de leur propre personnalité, comme un sage qui aurait soudain la possibilité de parler de sa sagesse pour en gagner sa vie, alors que tout le monde sait que le silence est la plus ahurrissante mais noble des sagesses. Quand existence libre signifie se défaire des jugements et des tendances liées aux valeurs à la mode, aux valeurs génériques des autres considérés alors comme le bref amalgame des médias, des arts, des amitiés et des amours : cette guérilla chaotique aggressant continuellement l’immuable stabilité de notre naissance et de notre enfance. Par ce biais, quand existence libre signifie se défaire de l’illusion de notre présence sociale.

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