8.

Toute essoufflée elle est rentrée à son tour à petits pas, me lançant de timides regards, avec dans ses bras une pile d’habits de couleur gris clair.
« Hello 21398, et dire que j’ai failli arriver en retard ! C’est la première fois qu’on me demande ça mais je crois que c’est parce que tu as aussi été invitée par Luc non ? »
Luc, le cinéaste qui se la pétait, je l’avais presque complètement oublié celui-là . Je l’aurais bien égorgé.
« Oups, j’ai oublié de me présenter désolée, je suis York-19558. »
« Ah ouais ? Et je suis supposé dire quoi là ? Enchantée ? »
Sa tenue rouge pétant faisait presque mal aux yeux sous les néons. C’était une sorte de costume futuriste moulant qui lui collait au corps des chevilles à la gorge, avec une longue fermeture éclair noire remontant du nombril jusqu’au col. Elle portait une sacoche plate aussi faite de cette sorte de viscose un peu brillante. Sur l’épaule était imprimé en noir le nombre 19558 à côté de la lettre R et du symbole [p]. Elle devait avoir 18-19 ans pas plus et comble du ridicule, elle a rougi.
« Oui je sais c’est difficile de se faire à ces uniformes au début mais on s’habitue assez vite et ils sont très confortables en fait. Au début c’est un peu déroutant parce qu’on a l’impression d’être à poil. »
Elle a rigolé. Toute seule. Une jeune fille qui rigole toute seule dans un abri de béton et de néon à Dieu sait combien de mètres sous terre. J’ai eu un frisson et j’ai soudain réalisé que si elle avait rougi et rigolé c’est parce que moi j’étais vraiment encore à poil.
« Il y a trois variantes pour les filles en fait, on a de la chance. Le top est toujours le même, une chance que tu n’as pas une trop forte poitrine parce qu’il y en a certaines que ça sert quand même pas mal, même si c’est assez élastique, mais en-bas tu peux aussi mettre si tu veux la jupe mi-longue ou le short, assez moulant je dois dire, mais bon c’est sexy et ça peut être utile de temps en temps. »
Clin d’œil cette fois.
« Non mais attends là , York, qu’on se comprenne bien, j’en ai rien à foutre de ta leçon de mode féminine, c’est exclu que je me déguise en opératrice de Star Trek si tu vois ce que je veux dire. C’est sans offense contre toi hein, parce que tu as l’air d’une fille très sympathique, mais moi je veux qu’on me redonne mes habits et qu’on m’indique où est la sortie la plus proche de ce Luna Park. Au départ je trouvais drôle mais maintenant je crois que j’ai largement dépassé les limites si tu vois ce que je veux dire… »
Et York a pris cet air si clairement terrorisé que j’en ai dégluti de travers. Se penchant plus près comme si nous étions observées :
« Ne fait pas ça s’il te plaît. C’est l’effacement sommaire assuré, ou peut-être la prison politique, donne-toi une chance. Je sais que c’est hallucinant au départ mais on peut s’y faire et il y a d’autres avantages. Si tu oses sortir d’ici nue tu seras prisonnier politique c’est automatique pour autant que je sache : il n’y a que les prisonniers politiques qui se baladent nus et c’est assez la honte je dois dire. »
Elle a repris une voix normale. Yeux étincelants soudain :
« Et d’ailleurs il y a les nuits paranoïaques ! C’est trop le délire ces nuits ! A ces occasions on s’habille bien sûr comme on veut dans le thème de la nuit, il n’y a qu’à aller se servir au Fashion-BOT ! »
Elle paraissait clairement atteinte.
Ou alors moi, clairement dépassée.

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