13.

J’ai croisé des regards parmi toutes ces couleurs plantées dans l’immense ascenseur. Essentiellement des rouges, des jaunes et des oranges, aussi quelques infrarouges comme moi. Mais c’était le plus surprenant : ils n’avaient pas peur. Ils avaient pourtant aussi été arrachés à leurs vies, amenés ici, devoir recommencer une vie cachée, une vie de soleil artificiel, de béton, de secteurs, de couleurs, et de caméras de contrôle et d’oppression. Chacun avec son numéro tatoué sur la nuque. Leurs IDs. Et cette menace latente d’effacement sommaire. Mais ils ne craignaient rien. Ils parlaient entre eux, d’autres restaient seuls, ils continuaient simplement à vivre. Je me fis la réflexion que l’atmosphère dans cet ascenseur était certainement plus chaleureuse que celle d’un métro ou l’ascenseur d’une grosse firme. Parce qu’ils avaient tous confiance en eux. Pas de cette confiance qui rend imbu mais juste cette certitude d’être au bon endroit. Ils n’étaient pas faux, pas transfigurés, ils avaient leurs soucis, leurs doutes, leurs défauts, mais ils partageaient cette certitude d’être là où il faut. Emprisonnés, surveillés, menacés, soumis à une autorité souterraine et toute-puissante. Comme des esclaves satisfaits d’être enchaînés. Et s’ils étaient tous drogués ?
Repensant à mes verres d’eau, machiavélique bouffée d’angoisse près du système de ventilation de l’ascenseur.
Et là un gars vêtu d’un uniforme vert s’est penché vers moi. Il n’y en avait pas beaucoup, des verts.
« T’as peur, hein ? », chuchotement que j’aurais eu envie de griffer.
York a fait comme si de rien n’était, intimidée.
« T’as l’air d’un bouffon dans ton costume vert, on te l’a déjà dit ? », ai-je soufflé dans un défi à l’autorité absurde de sa couleur.
Quelques regards alentour se sont éloignés.
Il n’a pas réagi mais sortit une sorte de gros pad à l’écran vert luminescent, sur lequel il a pianoté quelques secondes. Une caméra d’angle a doucement mugit vers notre coin. Il m’a tourné le dos pour saluer la caméra et j’ai compris qu’il s’agissait d’une sorte de frime parce que j’ai pu voir son ID : 12453.

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