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C’est la page qui a finalement retenu toute mon attention. Puisque d’une certaine manière j’y étais mentionnée.
« Le net est infesté de traîtres commis mutants séditieux. Ne rencontrez pas n’importe qui, n’importe comment et surtout n’importe où… Ne faites confiance à personne !
Dans le but d’assurer votre bonheur, un Ordinateur paranoïaque a été chargé d’éliminer tous les intrus. Cet Ordinateur a toujours raison ! Cet Ordinateur est fou ! Cet Ordinateur est votre ami !!
Parano est un système paranoptique privé utilisant une messagerie et un ensemble de forums à vocation artistique et communautaire.
11 citoyens Ultra-Violet
1155 citoyens Violets
930 citoyens indigos
1408 citoyens bleus
12679 citoyens verts
10008 citoyens jaunes
38026 citoyens oranges
14102 citoyens rouges
25353 citoyens infrarouges
Il y a en ce moment 75051 citoyens en ligne. »
Suivaient un lien pour s’identifier, un autre pour s’inscrire dans le cas uniquement où une personne déjà à l’intérieur de l’organisme aurait proposé (ou forcé ?) une invitation, et un lien permettant de récupérer un mot de passe perdu.
J’étais là , dans ces nombres, élue tout comme eux, parmi les 25353 citoyens infrarouges, et sans doute parmi les 75051 citoyens en ligne au même moment que moi. Bien sûr mon petit ego à côté de ces nombres paraissait insignifiant, mais en moi tressautait cette sensation non pas d’avoir été condamnée, d’avoir été emprisonnée, malgré l’enfermement quasi carcéral auquel j’étais soumise je sentais qu’on m’avait choisie pour me montrer cet univers secret, dont des milliards d’êtres humains n’avaient aucune conscience et dans lequel même les plus puissants n’avaient pas droit d’entrée. Bien que les règles régissant le droit de rester ici m’apparaissaient on ne peut plus floues, je devinais que l’argent, entre bien d’autres facteurs sociaux, n’avait aucune influence. Evidemment, sinon je ne serais pas là , à moins que ce ne soit pour servir de pute, rien ne laissant pourtant présager cette éventualité.
A l’opposé le droit d’accès était limpide : uniquement sur invitation d’un membre admis du système. Je me fis alors la réflexion que tout ce que je venais de lire se situait sans doute en-dehors de l’univers parano proprement dit, comme une page web libre d’accès offrant aux visiteurs occasionnels les ersatz d’un univers à priori inaccessible. Et quelqu’un venu par hasard aurait sans doute lu ce que je venais de lire avec quelques ricanements avant de repartir dans son surf sur le Net et d’oublier définitivement cet énième aparté.
Oui, certainement que pour le monde extérieur à parano existait cette page sans issue pour celui qui n’aurait pas son code d’accès. Ces milliers de citoyens sous terre, cachés derrière une page web presque anodine. A la limite intrigante, mais une limite bien vite atteinte lorsqu’on se rend compte qu’on ne peut aller plus loin.
Je veux dire, sans physiquement, y aller plus loin. Parano s’étalait comme une ombre d’impasse du web à la réalité.

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