Manifeste d’un pendulaire Lausanne – Genève : N. | Scatophilies

A intervalles réguliers, il m’arrive d’être déprimé. C’est assez commun comme événement pour mériter d’être souligné. Par exemple tout le monde me fait chier. Ou alors. Tout le monde m’emmerde. Cette visualisation scatophile, je ne sais pourquoi, s’harmonise parfaitement à mon état d’esprit, même si je l’admets elle est un peu facile. La météo grise me rappelle peut-être trop mon site. J’attends quelque chose de boulversant qui n’arrivera pas. Et puis le temps s’est refroidi. Et puis les courbes immémoriales de l’âme collective sont dans un creux. Je ne suis plus assez jeune pour déprimer dans l’allégresse créative, mais encore trop jeune pour méditer dans la paix sur le hard rock de mes humeurs. Et puis il y a l’argent, le boulot, le stress permanent, les grandes théories existentielles,  l’ennui généralisé, la lassitude de tout, la fatigue du matin, la fatigue du midi et la fatigue du soir, la pleine lune, le quart de lune, la lune noire, et mon attitde générale vraiment affligeante, avec tous ces bourrelets de graisse qui me pendent au cou, aux bras, aux fesses et au ventre et sous ma langue et sur les lèvres. Les affiches des agences de voyage me donnent envie d’uriner dessus. Pourtant je ne peux pas prétendre être fondamentalement triste. Des artifices automatiques de politesse me permettent de sourire et de répondre aux questions, je fais plus ou moins ce qu’on me demande et ce qu’on attend de moi, au téléphone, chez moi, entre deux, même si l’ensemble à mes yeux est coagulé en une compacte boule de merde sèche posée devant l’écran. L’avancement vers "quelque chose" est inexistant. On me pousse dans le dos et je traîne et quand on me demande "quelque chose" j’ai juste envie de recommencer à fumer. Je suis tout entier un acte apathique et immobile de mort sur pied, où ils ont tous plus de chance que moi, il sont plus riches, plus intelligents, plus élancés et motivés. D’ailleurs ils sont tous cons. Mais comme cette constatation pleine d’amertumes est stupide je le suis sans doute encore plus qu’eux. J’ai peut-être la chance de me rendre compte que tout ce fatras m’entourant n’est qu’une vaste interprétation commune, un simulacre d’obligations et de besoins, tout peut changer la minute suivante même si rien ne change jamais, que dans le fond, mais vraiment tout au fond de tout, ne stagne que le vide paisible de ma déprime. Je sais, c’est vraiment banal: mon atoût étant que je n’ai jamais prétendu à autre chose que la richesse et une célèbrité toute de flashs tissée. Cette ambition est banale elle aussi et je suis sauvé. Je suis quelqu’un de normal.

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